Après s’être ressourcés et dépensés à l’air pur des montagnes colombiennes, nous repartons pour la ville, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’un endroit tristement célèbre : Medellín.
« Rien n’est plus stimulant que de se surprendre soi-même » – Steve Martin
En effet cette ville a été longtemps aux mains du cartel de drogue du même nom géré par Pablo Escobar, le narco-trafiquant le plus connu au monde. L’Histoire récente de Medellín n’est pas des plus belles, mais elle fait partie de la Colombie, et bien qu’obscure voire sanglante, ici elle n’est pas niée, pour ne pas oublier. Ce qu’il ne faut pas oublier non plus c’est que la Colombie évolue énormément, et elle fait tout pour se séparer de cette image qui lui colle à la peau. Quand certains pensent que Colombie rime avec « cocaïne » et « insécurité », les habitants eux vous répondent que oui, ça existe encore mais beaucoup moins, et que pour eux la Colombie rime surtout avec « café », « cuisine », « famille », « couleurs », « vie », « sourire », « humanité » et « ouverture d’esprit ». Alors nous n’avons pas souhaité faire du « narco-tourisme » pour suivre les traces de Pablo Escobar, (trop) popularisé par la série TV « Narcos », mais nous avons préféré partir à la rencontre du vrai Medellín. De ses victimes, ces personnes qui étaient là pendant les sombres années, qui ont souffert de cette violence et qui aujourd’hui parlent pudiquement pour ne pas oublier, de ses enfants, qui grandissent encore dans une commune qui les oublie, de ses familles qui vivent avec encore trop peu, mais aussi de toutes les couleurs, de tous les messages d’espoirs, et de toutes les petites avancées qui feront un jour nous l’espérons, de Medellín une ville d’égalité.
Un peu d’Histoire, pour mieux comprendre : C’est à partir des années 70 que Medellín sombre petit à petit dans le chaos et la violence. Pour faire simple, trafique de drogue, enlèvement, terreur et meurtres deviennent le quotidien des habitants de Medellín. Aux commandes, une organisation dite criminelle et spécialisée dans le trafic de cocaïne que l’on surnommera dans les années 80 « Le cartel de Medellín ». C’est en 1993, et précisément le 03 décembre que sera assassiné « El Patron », chef principal du cartel de Medellín, connu mondialement sous le nom de Pablo Escobar. C’est à ce moment là que la ville de Medellín va tenter de sortir des mains des narcos trafiquants. Divers groupes armés se créent afin de prendre le pouvoir et de faire justice eux-même… Ce qui entretien et même plonge la commune dans la violence. Dix ans après, aux mois d’octobre puis de décembre 2002 a été menée l’opération « Orion ». Des descentes dans les favelas de la comuna 13 menées conjointement par la police nationale et les forces militaires, avec l’appui des forces aériennes colombiennes. Ces descentes ont été largement relayées et controversées dans la presse nationale et internationale en raison du nombre important de « victimes collatérales » (blessure ou décès par balles perdues ainsi que détentions ou exécutions sauvages) et du chaos qu’elles ont pu provoqué dans la commune. Heureusement ces opérations n’ont pas été veines puisque depuis, le narco-trafic a nettement reculé, assurant une vie un peu plus paisible pour les habitants. Ceci ajouté à la politique municipale orientée sur l’accessibilité et le développement des quartiers isolés ainsi qu’au devoir de mémoire, a permis d’ouvrir les portes de la comuna 13 au tourisme, ce dont nous avons pu profiter…
Les Raine avaient rendez-vous ! Et oui, rendez-vous dès notre arrivée sur Medellín avec Laura et Mika, de « rendez-vous partout », un couple de blogueurs Lyonnais, mais qui supporte les Verts (il est important de le préciser) ! Nous avons passé l’ensemble de notre séjour à Medellín avec eux, que nous avions rencontrés dans un 1er temps virtuellement par le biais de nos blogs. Une rencontre « réelle » ensuite pleine de spontanéité, de sincérité, d’échanges et de rires. En bref, une rencontre comme on les aime. On vous invite fortement à visiter leur blog vidéo par ici, que l’on trouve très bien fait et plutôt original. Bref, ça aura été un véritable plaisir de faire leur connaissance, et triste de se dire « hasta luego » (comme souvent) ! Pour eux, leur voyage ne fait que commencer … au total, 18 mois (la chance, on est un peu jaloux) Bonne et longue route à vous amis Lyonnais !
- La Comuna 13
Nous avons choisi de visiter la Comuna 13 en louant les services d’une jeune mais ambitieuse Française installée en Colombie depuis plus de 2 ans. Son concept de tourisme solidaire nous a tout de suite séduits malgré un prix un peu fort (21€/pers) pour notre maigre budget de «mochileros». En effet, il existe bien d’autres alternatives comme des « Free-tour » animés et guidés par des habitants de la Comuna 13, mais pour avoir croisé ces grands groupes, ça faisait un peu « zoo » … Deux fois par jour différents organismes de free-tours partent visiter ce quartier devenu accessible au tourisme grâce entre autres à son art de rue. Avec Kathy et son agence « Kaanas Travel », c’est différent : la visite se fait en petit groupe (nous n’étions que 4) et dans le respect des habitants de la commune, et notamment du collectif de femmes « Las Berracas de la 13 » qu’elle soutient puisqu’une partie de l’argent versée leur revient. Ce collectif récent vise surtout à défendre l’image et la place de la femme dans de tels quartiers, via notamment la commercialisation de leur artisanat, bref, une belle initiative !
Le programme sur une demi-journée proposé par notre guide Française est riche et bien pensé. Dans un premier temps, petit tour dans les transports en commun, point fort de la ville pour relier les quartiers défavorisés au cœur de Medellín, en métro et en téléphérique. En effet, Medellín fait partie de ces rares villes du monde où sont installés des téléphériques comme moyen de transport publique, c’est rapide et ça ne coûte qu’un ticket de métro. Outre son aspect pratique, le téléphérique offre aussi une impressionnante vue sur les favelas, une manière originale et intéressante de commencer la visite. La suite du programme nous amène au cœur de la Comuna 13, pour manger chez Estela et Juan, un couple charmant habitant le quartier depuis plus de 40 ans. Nous avons partagé un repas typique et copieux, généreusement cuisiné par Estela elle-même. Nous avons ensuite passé un bon moment à discuter ensemble du passé, du présent, de nos différentes cultures, bref, un moment émouvant que nous n’oublierons pas ! Encore un grand merci à Kathy ainsi qu’à Estela et Juan .
Enfin, pour terminer la visite, balade dans les rue de la Comuna avec de nombreuses explications sur les différents lieux traversés et graffitis observés. Les rues colorées inspirent des graffeurs du monde entier et au-delà de colorer les murs, ils ont pour objectif de raconter l’Histoire pour ne pas oublier, et continuer de regarder la vie et l’avenir avec espoir. Avant de prendre le chemin du retour, nous dégustons un jus de canne à sucre et de petits beignets au fromage typique de Colombie. En bref, et vous l’aurez compris, ce programme qui nous a tout de suite séduit par son originalité et son authenticité ne nous a pas déçus et nous avons été conquis par cette expérience.
- « La casa de Mémoria »
L’entrée dans cette « maison de la mémoire » est gratuite. Comme son nom l’indique, ce lieu qui n’est autre qu’un petit musée qui est avant tout un lieu de souvenir. Une mine d’or en termes d’Histoire et de témoignages retraçant les années sombres de la Colombie depuis la naissance des cartels jusqu’à leur démantèlement. Alors même si Bastien et Mika ont tout fait pour que cette visite soit vite terminée (finale de la coupe d’Europe de foot), nous avons tout de même pris le temps de comprendre et d’écouter l’Histoire de Medellín. L’interactivité de ce musée (supports audios, vidéos et photographiqu) nous pousse forcément à remonter le temps, et entrer entre autres dans les années de 70 à 90 lorsque Medellín était la ville la plus dangereuse au monde. Difficile à imaginer, mais les nombreux témoignages lus et entendus nous aident à comprendre la difficulté dans laquelle se trouvait à l’époque le pays et ses habitants qui devaient faire face à la dangerosité des cartels. Trafique de drogue, enlèvement, terreur, meurtre, etc, comme nous confiait d’ailleurs Estela, presque tout le monde a une histoire en lien avec le narco trafic: allant d’une intimidation à la blessure ou la perte d’une connaissance ou d’un proche en lien avec le cartel ou la descente de police de 2002. Des années sombres pour Medellín et la Colombie qui aujourd’hui continue de se battre et d’avancer vers un avenir plus serein.
- Guatapé
Il s’agit d’un petit village situé à 1h30 de Medellín, célèbre pour son grand rocher «El Peñón» et ses petites maisons aux bas-reliefs colorés. Nous avons fait l’aller-retour dans la journée, ce qui nous a largement laissé le temps de profiter de ce petit coin de calme, bien que très touristique.
Pour bien commencer, nous sommes montés jusqu’en haut du « Peñón », pas moins de 750 marches pour être précis et environ 400 mètres de hauteur, ce qui n’était pas une si mince affaire sous le soleil de plomb, sans compter la tourista de Juju (et oui, une rechute !) et le doigt de pied cassé de Laura… Quelle équipe ! Heureusement l’effort en valait la peine puisqu’en prenant de la hauteur la vue sur le lac artificiel « El Peñol » est magnifique ! Ce lac existe depuis de nombreuses années grâce à la construction d’un barrage qui a fait monter les eaux jusqu’à recouvrir partiellement la vallée. Aujourd’hui de très belles et riches demeures peuplent les collines qui surplombent les jolies eaux bleues du lacs.
Après avoir avalé une bonne truite à l’ail pour certains, un plat typique de la région pour Mika et une bouteille d’eau minérale pour Juju, nous partons nous balader dans les petites ruelles pittoresques de Guatapé. L’ambiance y est plutôt tranquille et c’est curieux de voir tous ces reliefs colorés tapisser le bas des maisons. Selon nous, il s’agit là d’une ville typique, colorée, animée, qui vaut le détour pour une journée.
En conclusion, il y a sans doute encore beaucoup à voir et à faire dans cette ville de Medellín, où nous n’avons d’ailleurs pas expérimenté la vie nocturne qui s’avèrerait aussi être très animée. Cependant nous avons beaucoup aimé notre court séjour ici et nous repartons la tête pleine de nouveau savoir et le cœur rempli de belles rencontres. Maintenant nous partons pour une toute autre ambiance : direction la côte caraïbe.
Quelques adresses utiles, que l’on recommande chaudement (testées et approuvées !):
- Pour visiter la Comuna 13, on ne peut que recommander les services de Kathy et de sa petite agence nommée « Kaanas Travel ». Jetez un œil, elle propose aussi d’autres tours dans Medellín et aux alentours. Pour la contacter, kaanastravel@gmail.com , (+57) 316 534 63 83, ou via sa page Facebook.
Pour finir, en bref et en humour, voici ce qu’on retiendra en quelques mots de Medellín et ses alentours (mais pas que !):
- Nous sommes tombés dans un hostal à l’ambiance très chelou. Fréquenté par de nombreux voyageurs comme nous, mais aussi par quelques camés, pour certains Français, dont la vie semble se résumer à pas grand chose si ce n’est rester à l’auberge H-24 en sniffant des rails! Pour nous, ça devient vraiment gênant quand la musique reste à fond, tout le temps… #zen
- Nos amis de Rendez-vous partout, pas forcément tout le temps d’accord ! Un couple quoi … 😀
- En Colombie il y a des motos partout ! Bien plus que dans les autres pays, ce qui est assez impressionnant à nos yeux ! Top départ aux feux tricolores …
- Globalement le style vestimentaire a bien évolué également par rapport aux pays par lesquels nous sommes passés avant. C’était déjà un peu le cas en équateur mais plus on remonte, plus c’est « ambiance tropique » : beaucoup de femmes aux formes généreuses abordent des décolletés très prononcés et des tee-shirts et/ou jupe très courts… Du côté des gars, chemise en mode « moquette au vent » !
- Nous pensions le défi difficile pour trouver un coiffeur moins cher que 4 dollars après le dernier rendez-vous de Bastien en Equateur. Et bien défi relevé : Gratis (enfin un bon café Américano), et en plein cœur de l’auberge ! Encore un grand MERCI à Mika, star de la tondeuse. Le prochain sera en France et donc … Beaucoup plus cher !
Ju & Bas